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Godland un film de Hlynur Pálmason

Godland un film de Hlynur Pálmason

 

Tellurique, âpre et prodigieux

 

Godland est le troisième long-métrage d'un jeune cinéaste Islandais de 38 ans, Hlynur Pálmason (réalisateur des beaux Winter Brothers (2017) et Un jour si blanc (2019).

Inspiré par des archives photographiques du XIXe siècle, sept photographies, quelques daguerréotypes pris par un pasteur Danois pour témoigner d'une époque et de la vie des ancêtres du cinéaste, Hlynur Pálmason réinvente dans une fiction cinématographique une histoire de leur création.

Hlynur Pálmason nous conte le voyage saisissant d'un pasteur protestant Danois, Lucas (sec, inquiétant et impeccable Elliott Crosset Hove), envoyé en mission en Islande – sous domination du Royaume du Danemark – à la fin du dix-neuvième siècle. Son projet construire une église et photographier la population. Son voyage dans cette contrée aux paysages sublimes et sauvages est dur, implacable, harassant. Au terme d'un long périple, il finit par rejoindre une petite communauté paysanne pour y faire édifier l'édifice sacré.

Lucas est un jeune pasteur, plein de courage et d’espoir. Il part accompagné d’un assistant traducteur et de convoyeurs dirigés par Ragnar, homme rude au physique imposant (interprété par l'impressionnant Ingvar Sigurdsson). Durant la première partie du film, consacrée au voyage, les deux hommes se toisent, aucun ne faisant d'effort pour comprendre la langue et les motivations de l'autre. Ce long cheminement au travers de paysages somptueux et hostiles, où fatigue et dureté des éléments naturels se conjuguent – pluie, vent, neige, froid, chemins escarpés et boueux, rivières à traverser, volcan en éruption... – , amènent les hommes à se soutenir afin d'arriver à bon port.

La seconde partie de la fiction se déroule dans le petit village où tous les hommes de l'expédition mués en charpentiers construisent l’église. Elle s'ouvre sur un plan exposant la beauté et la grâce des deux filles de Carl, Anna et Ida. La famille à recueilli le jeune Lucas. Ce dernier étrange, froid, rêche, peu avenant ne semble pas éprouver beaucoup de compassion pour ses paroissiens. Il s'adonne à la photographie, et, flirte sans désirs avec Anna dans une belle séquence de jour, lors d'un mariage fêté au son de l’accordéon où la musique et la danse magnifient les corps, où la lutte physique, corps à corps, accentue l'opposition farouche et obstinée entre Lucas et Ragnar.

Le jeune pasteur, dont la Foi semble vaciller, se trouve livré aux affres de la tentation et du péché qui vont le conduire sur le chemin du Mal. Perdu, buté, perturbé, il va s'affronter physiquement à Ragnar dans une séquence rageuse où sa violence surgit comme la lave d'un volcan rappelant les coulées de cendres brûlantes vues au mitan du film. Le pasteur perd son âme, le Christ ne semble plus présent dans son cœur tandis que l'immanence de Dieu est dans la grandeur de la nature agreste, dans la beauté des animaux sauvages et domestiqués et dans l’âme des villageois qui peuplent ces terres hostiles.

Godland est un film minéral qui célèbre l'incommensurable beauté du monde. C'est une ode à la nature sauvage, crue, enivrante et aux animaux, chevaux, moutons, oiseaux, le chien de Ragnar... filmés avec amour. Le cinéaste tourne avec un sens aigu de l'espace et des déplacements et montre l’immensité des paysages islandais, qui s'inscrivent comme décor d'une perfection exemplaire pour sa tragédie morale intime et tellurique. Tourné en 35mm, servi par une photographie d'une luminosité solaire, cadré avec rigueur et précision avec une image au format carré et aux coins arrondis en hommage aux photographies d’origine et au cinéma muet, Godland est un chef-d’œuvre artistique envoûtant, du cinéma de l’éreintement, âpre et prodigieux.

 

Jacques Déniel

 

Godland un film de Hlynur Pálmason

Danemark -Islande – 2022 – 2h23 – V.O.S.T.F.

Interprétation: : Elliott Crosset Hove (Lucas), Ingvar Sigurdsson (Ragnar), Vic Carmen Sonne (Anna), Ída Mekkín Hlynsdóttir (Ida), Jacob Lohmann (Carl)...

En salle depuis le 21 décembre.

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