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  • Sous le soleil de Satan, un film de Maurice Pialat

    Sous le soleil de Satan, un film de Maurice Pialat

    Dans la grâce de Dieu



    « La Sainteté ! » s’écrie Menou-Segrais, « en prononçant ce mot devant vous, pour vous seul, je sais le mal que je vous fais ! Vous n’ignorez pas ce qu’elle est : une vocation, un appel. Là où Dieu vous attend, il vous faudra monter, monter ou vous perdre» Georges Bernanos



    Sous le soleil de Satan est le film le plus controversé de son auteur, hué, lorsqu'il reçut à juste titre la Palme d'or au Festival du film de Cannes en 1987, par la foule incrédule et inculte. Maurice Pialat, hanté par le chef d'œuvre de Georges Bernanos tourne une adaptation personnelle et libre. Il a cette intuition qu'un roman dont l'histoire est située à la fin du dix neuvième siècle fortement marqué par les idées sur la «mort de Dieu» peut être un film essentiel dans notre vingtième siècle, celui de la montée en puissance de son rival de toute éternité, Satan.

    Il simplifie le roman en supprimant certains chapitres et personnages tout en gardant la succession des évènements dramatiques: le meurtre de Cadignan, le rejet de Mouchette par le député Gallet, la rencontre de l'abbé Donissan avec le diable, puis avec Mouchette, le suicide de Mouchette, le Miracle de l'enfant ressuscité et la mort de Donissan.

    Dans notre Monde déchristianisé en proie au chaos, le cinéaste agnostique nous livre une version d'une grande force métaphysique et spirituelle de l'œuvre de Bernanos (1). Il prend le roman à bras le corps et le transpose en une succession de blocs erratiques, fulgurants, incandescents, telluriques. Par la science de sa mise en scène somptueuse, les cadres précis et tranchants de Jacques Loiseleux, la beauté picturale des lumières sombres et nocturnes du chef opérateur Willy Kurant, le montage abrupt de Yann Dedet et servi par des acteurs exceptionnels, il compose à la manière d'un peintre (2) un sublime portrait de l’abbé Donissan - Gérard Depardieu, inoubliable, humble, incarne ce jeune prêtre – face aux puissances des ténèbres.

    Dirigé par Menou-Segrais (Maurice Pialat, impeccable), son curé, un maître de conscience sûr de sa force et de son influence, le jeune abbé semble désorienté, en proie aux doutes et aux excès (flagellations, oraisons emportés...). Mais, très vite le Doyen de Campagne-en-Artois comprend que son jeune protégé possède une flamme intérieure intense et que c'est un homme et prêtre de grande valeur dont la vie physique et spirituelle est en prise avec le combat du Bien contre le Mal, à l'affrontement de Dieu contre Satan.

    Le premier lieu de ce combat est la paroisse de Campagne-en-Artois, où Donissan, lorsqu'il se rend à Étaples pour aider le curé de la paroisse, se perd de nuit dans une nature sauvage, sous un ciel plombé, les pieds s'enfonçant dans une terre lourde et boueuse qui colle aux souliers, et affronte Satan caché sous la figure du maquignon (Jean-Christophe Bouvet maléfique à souhait). Après un âpre combat, il le rejette - retire toi Satan. Puis, ayant reçu de Dieu – même si le doute le taraude – la grâce de voir aux tréfonds des âmes, il tente d’arracher Mouchette (Sandrine Bonnaire, possédée, émouvante) à Satan afin de la rendre à Dieu.



    Des années plus tard, c'est dans la paroisse de Lumbres où il a été nommé curé, que le chemin de croix, le parcours de sainteté de Donissan se termine. Son deuxième combat contre le Malin est resserré sur une seule journée, la dernière de la vie du prêtre. Dans le désespoir, le seul guide du jeune abbé est sa lumière intérieure. Cerné des ténèbres, dans un monde de désolations, il va faire preuve de courage malgré ses doutes et use de ressources profondes et d'une Foi ardente face au drame de la mort d'un enfant afin de le rendre, dans une scène inouïe de beauté, à la vie intense auprès de notre Seigneur. Maurice Pialat comme Georges Bernanos nous rappelle que Dieu est en nous.

    Dans la grâce de Dieu, l'abbé Donissan, le Saint de Lumbres, est un homme qui vit l'imitation du Christ et dont l'immense charité, celle de l'amour sans condition pour l'être aimé et unique, le Christ, le conduit à donner sa vie pour lui et le salut des âmes.



    Jacques Déniel



    (1)Maurice Pialat a précisément eu l’ambition de fournir aux spectateurs une clé possible – celle d’un agnostique – à la lecture de Bernanos.

    (2) Maurice Pialat fut peintre avant de devenir cinéaste. Inscrit aux Arts décoratifs en octobre 1942, il suivit des cours de dessin et de peinture pendant quatre années, tout en commençant à exposer dans des salons ouverts à de jeunes peintres. Dès 1946, il abandonne la peinture pour se consacrer au théâtre, avant de réaliser ses premiers courts métrages.



    Sous le soleil de Satan, Maurice Pialat – France – 1987 – 1h43

    Palme d'Or Festival du film Cannes 1987

    Interprétation: Gérard Depardieu (Donissan), Sandrine Bonnaire (Germaine Malhorty, dite Mouchette), Maurice Pialat (Menou-Segrais), Alain Artur (Cadignan), Yann Dedet (Gallet), Jean-Christophe Bouvet (Le maquignon/Satan)...