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  • Un soupçon d'amour de Paul Vecchiali

    Un soupçon d'amour de Paul Vecchiali

    Un splendide mélodrame d'une insolente liberté de ton

     

    Alors que la majeure partie des réalisateurs du cinéma français contemporain (sauf exception: Philippe Garrel, Sébastien Lifschitz, Eugène Green, Emmanuel Mouret et la bien trop méconnue mais passionnante Cheyenne Carron...), s'enfoncent dans un cinéma ravagé par la surdétermination du statut d'auteur et les sujets sociétaux et sociaux politiques bien-pensants, Paul Vecchiali, jeune cinéaste de 90 ans continue de tourner et de de prendre des risques. Prendre des risques pour le cinéaste, c'est très simplement choisir que le cinéma, le théâtre, la littérature et la musique soient présents dans ses films.

    Un soupçon d'amour est le 31ème long métrage du cinéaste qui malgré des conditions de production difficiles continue de tourner. Ce film très personnel et essentiel pour lui nous conte un drame cruel, l'histoire de Geneviève Garland (Marianne Basler), une célèbre comédienne de théâtre. Elle répète Andromaque de Racine avec son mari André (Jean-Philippe Puymartin) comme partenaire. Elle ressent un malaise profond à interpréter ce personnage et cède son rôle à son amie Isabelle (Fabienne Babe) maîtresse de son époux. Geneviève part avec son fils malade dans son village natal. Elle semble fuir des réalités difficiles à admettre.

    Dès la première séquence du film, le ton est donné: au théâtre Geneviève et André répètent des scènes d'Andromaque. Les comédiens jouent avec beaucoup de sobriété et disent leur dialogues en faisant entendre le sublime texte de Racine. Très vite nous comprenons que dans la vie comme au théâtre, ils parlent dans une langue française de toute beauté que ce soit lorsqu'ils s'expriment dans la langue de Racine ou dans celle de Paul Vecchiali auteur du scénario et des dialogues. Le cinéma sera théâtre ou ne sera pas disait Jacques Rivette. Vechhiali à sa manière travaille cette question de la représentation qui taraudait tant le cinéaste de la nouvelle vague.

    Ferme opposant au cinéma naturaliste, très en vogue dans le cinéma français contemporain, le cinéaste multiplie avec plaisir et générosité les références à des genres cinématographiques aussi différents que le théâtre, la comédie musicale – superbe scène de danse et de chant, rappelant Les Demoiselles de Rochefort de Jacques Demy, exécutée par Geneviève (Marianne Basler) et Isabelle (Fabienne Babe) sur une terrasse illuminée par le soleil et la grâce des comédiens - le drame, la comédie ou le mélodrame – un hommage humble et subtil au maître du mélo, Douglas Sirk à qui le film est dédié. Pour chaque scène, quel qu’en soit le ton ou le genre, Vecchiali se confronte à la question cruciale de la représentation cinématographique et y répond par un sens aigu le l'occupation de l'espace par ses comédiens, de la durée des scènes et du déroulement du temps.

    Servi par une mise en scène austère et épurée, une insolente liberté d'esprit lui permettant des changements de ton abruptes, un montage sec, une écriture ténue et précise, et le jeu au phrasé théâtral classique, teinté d'une légère apprêté de ces comédiens, tous excellents, le film est d'une grande ambition artistique. Paul Vecchiali ne s'autorise guère de mouvements de caméra, ce qui rend encore plus beau le discret travelling avant, qui partant du salon de la maison, vient cadrer Geneviève et André sur la terrasse ensoleillée, lorsque cette dernière lui annonce son désir d’abandonner son rôle dans Andromaque et de retourner dans son village natal.

    Un soupçon d'amour est un mélodrame acéré, sec et flamboyant grâce à la luminosité et la beauté de la photographie de Philippe Bottiglione, à la musique sombre et éclatante de Roland Vincent, aux couleurs vives des tenues vestimentaires élégantes des comédiens, au talent de ces derniers. Celui de Marianne Basler - muse du cinéaste présente dans six de ces films dont le superbe Rosa la rose, fille publique - , lumineuse et fragile qui porte la charge tragique du film, celui de Jean-Philippe Puymartin, royal en tendre et éternel amoureux de sa compagne, celui de Fabienne Babe, drôle, vive et impertinente ainsi que celui de tous les acteurs comme Ferdinand Leclère jouant le fils des Garland, Pierre Sénélas, le metteur en scène, Frédéric Pieretti, le curé du village natal de l'héroïne...

    Lorsque Un soupçon d'amour se termine, bouleversé par la tension dramatique de l’œuvre et la douloureuse révélation finale, le désir de revoir au plus vite ce film vif, profond, cruel, et tendre, drôle et tragique vous emporte irrésistiblement.

    Jacques Déniel



    Un soupçon d'amour

    Réalisation, Scénario et production : Paul Vecchiali, Image : Philippe Bottiglione, Son : Antoine Bonfanti, Montage : Vincent Commaret Musique : Roland Vincent.

    Interprétation : Marianne Basler (Geneviève Garland), Fabienne Babe (Isabelle Barflot), Jean-Philippe Puymartin (André Garland), Ferdinand Leclère (Jérôme Garland), Pierre Sénélas (Pierre Nélasse), Frédéric Pieretti, (le curé) ...



  • Tony Arzenta (Big Guns ) un film de Duccio Tessari

    Tony Arzenta (Big Guns - Les Grands fusils - 1973) un film de Duccio Tessari

     

     

    L'Italie de la fin des années soixante et du début des années soixante-dix étouffe sous le poids du plomb. C'est la fin des bienfaits de la croissance économique d'après guerre. L'extrême-gauche fait régner un climat de terreur politique. Attentats, enlèvements, assassinats politiques... la couleur est au rouge sang.

    Au cinéma, c'est l'apogée du poliziottesco sous genre du film noir et/ou mafieux italien en vogue durant les années de plomb. Tony Arzenta (Big Guns – Les Grands fusils) de Duccio Tessari, film oublié et méprisé est une sacrée redécouverte qui appartient à ce genre exacerbé qui exploite les peurs collectives.

    Le film est coproduit par Alain Delon qui souhaite surfer sur son succès en Italie (Rocco et ses frères, Le Guépard (Luchino Visconti), Le Professeur (Valerio Zurlini)... Il espère ainsi pouvoir investir de l'argent dans les combats de boxe en particulier dans celui opposant Jean-Claude Bouttier à Carlos Monzon.

    Le film très mal reçu en France, où les journalistes préféraient les moindres nanards français dans lequels jouait notre star nationale, va subir les foudres de la critique et un échec public relatif (800 000 entrées).

    Le scénario signé par Roberto Gandus, Ugo Liberatore et Franco Verrucci fait de Tony Arzenta un sorte de double inversé de Jeff Costello, le tueur à gages froid, héros du film Le Samouraï de Jean-Pierre Melville, interprété par Alain Delon.

    Alain Delon interprète Tony Arzenta, beauté, ténébreuse, charme fou et charisme magnétique dès sa première apparition à l'écran au milieu de sa famille dans une superbe scène où l'on fête l'anniversaire de son fils. A la tombèe de la nuit, il embrasse son enfant et sa femme pour aller accomplir un dernier contrat pour un consortium mafieux.

    Tony, calme et déterminé, prend sa voiture et roule tranquillement dans les rues de Milan plongées dans la grisaille brumeuse de l'Italie du Nord, accompagné par la tristesse et la beauté mélancolique de la chanson d'Ornella Vanoni. Tony Arzenta est un tueur à gages. Il exécute sa mission avec une maitrise glacée. Il souhaite se retirer des affaires. Mais l’organisation mafieuse ne l'accepte pas et veut l’éliminer. Le hasard et le destin maléfique font que sa femme et son enfant qu'il adore sont tués par erreur. Fou de douleur, il décide de se venger.

     

    Tony Arzenta se retrouve seul contre tous. Courses poursuites en automobiles, scènes de fusillades abruptes, mafieux glauques, sauvages et inhumains raviront les amateurs du genre. Mais le film est surtout porté par le talent d'Alain Delon qui joue le rôle de cet homme rongé par le mal et la souffrance intérieure avec une authenticité et une présence phénoménales. A ses côtès, Richard Conte, Umberto Orsini et Roger Hanin jouent avec classe des chefs mafieux, des salauds présomptueux et ignobles.

     

    Portée par la musique de Gianni Ferrio et les couleurs automnales de la lumière du chef-opérateur, Silvano Ippoliti, la mise en scène clinique et les élégants mouvements de caméra de Duccio Tessari se révèlent efficaces, implacables. Big Guns est un film dense et tendu. Une rage inouïe s'y déchaine. Passage à tabac, morts violentes, trahisons... Les mafieux utilisent tous les moyens pour en finir avec Tony Arzenta. Mais l'homme est réfléchi, intelligent et va tout faire pour arriver à ses fins, éliminer ses ennemis... Un climat de paranoïa et de violences crues font de ce film une tragédie, un diamant noir marqué par la mélancolie et la sombre luminescence d'Alain Delon. A voir absolument!

     

    Jacques Déniel

     

    Tony Arzenta" (Big Guns - Les Grands fusils - 1973) un film de Duccio Tessari

    Italie – France – 1973 – V.O.S.T.F. – 1h53

    Interprétation: Alain Delon, Richard Conte, Carla Gravina, Marc Porel, Roger Hanin, Umberto Orsini, Corrado Gaipa, Lino Troisi.…

    Sortie en salle le 15 février 2023