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La Zone d'intérêt" de Jonathan Glazer.

La Zone d'intérêt un film de Jonathan Glazer.

 

Un film désincarné, une installation froide et hygiéniste saturée par des sons extrêmes et une musique agressive.

 

Avec cette adaptation très éloignée du roman de l'écrivain Martin Amis (qui ne désignait pas nommément les bourreaux dans son livre), Jonathan Glazer à décidé de montrer les vrais personnages, les vrais lieux (le film a été tourné sur le site même) où vivaient la famille Höss.

 

L’expression sordide la zone d’intérêt qui donne son titre au film est emprunté au langage même des nazis pour définir le périmètre de 40 kilomètres entourant d’Auschwitz, le cœur du processus industriel génocidaire du troisième Reich. Lieu monstrueux où règne le Prince de ce Monde.

 

Le film de Jonathan Glazer repose sur le choix d'une mise en scène conceptuelle forte, radicale, excessive et esthétisante, pas tant dans le projet, raconter le quotidien de la famille de Rudolf Höss, l’un des maîtres d’œuvre de la Solution finale, mais bien évidement sur la manière de montrer ce quotidien tant par l'image que par les sons et la musique.

 

Filmer la Shoah depuis le jardin d’un pavillon bourgeois accolé au camp d'Auschwitz est sans doute un choix fort, la filmer en choisissant la sur-esthétisation de sa mise en scène par l'utilisation de sons censés provenir du camp mais très nettement mixés pour devenir comme une bande musicale atroce signée Mica Levi, par le filmage de séquences inutiles, de scènes sans réel intérêt (le rapport du couple avec la mère de sa femme, le fascisme latent de son fils jeune adolescent, personnage rappelant les petits monstres du film impressionnant et malaisant de Michael Hanneke, Le Ruban blanc (2009), les scènes de distribution des pommes par la jeune fille polonaise tournées en caméra à lumière infrarouge...)

 

La Zone d’intérêt est un film de dispositif conceptuel emprunt de ruse et de rouerie intellectuelle. Glazer, petit cinéaste malin veut prouver que la puissance indépassable du hors-champ suffit à rendre vertigineuse sa description du quotidien de la famille Höss. De surcroit sa mise en scène est souvent lourde, démonstrative lorsqu'il montre de façon interventionniste, la trace du génocide comme dans l'insupportable film Le Fils de Saul de Làzlo Nemes.

 

Au fond, le film n'est pas clinique mais assez monolithique. Glazer fait preuve d'un manque d'idées pour traiter son sujet l’horreur concentrationnaire. La plupart du temps, il neutralise l’image et étouffe le spectateur par des effets sonores ou visuels marqués (sons stridents, bourdonnements surgissement d’un beau monochrome rouge débordant d’un insert sur une fleur...). Il semble bien incapable de révéler la barbarie, l’horreur trop occupé par sa volonté d'illustrer l’effroyable banalité du mal loin de la complexité du texte de Hannah Arendt (1) et son désir auteuriste de petit maître de l’image, obsédé par son dispositif implacable de mise en scène.

 

Le film semble tourner à vide, rien ne prend véritablement chair. La famille Höss est désincarnée, froide, sans vie. La Zone d’intérêt se termine, par un brusque raccord. Un plan au fond noir est fendu par l’ouverture d’une porte qui ramène l’action à notre époque: dans le mémorial de la Shoah et des camps d'extermination situé dans l’ancien camp d’extermination d’Auschwitz des employés nettoient de manière clinique les lieux d'exposition. Glazer filme la Shoah de comme une installation froide et hygiéniste saturée par des sons extrêmes et une musique agressive. Une fois de plus face à une fiction voulant évoquer la Shoah c'est le Retour au noir (2).

 

Jacques Déniel

 

(1) Eichmann à Jérusalem. Rapport sur la banalité du mal, traduction A. Guérin, Paris, Gallimard, 1966

(2) Retour au noir ouvrage d'Alain Fleischer à propos du film Le Fils de Saul de Làzlo Nemes, et du livre Sortie du noir de Georges Didi-Huberman (sortie d'Auschwitz, revendiquée par le second).

 

La Zone d’intérêt États-Unis, Royaume-Uni, Pologne2023

Réalisation et scénario : Jonathan Glazer d'après le roman de Martin Amis, Image : Łukasz Żal, Son : Johnnie Burn, Montage : Paul Watts, Musique : Mica Levi.

 

Sortie sur les écrans des cinémas de France le mercredi 31 janvier 2024.

 

 

 

La Zone d’intérêt

de Jonathan Glazer

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