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Les Inféconds, d’Émie de Rolles

Les Inféconds, d’Émie de Rolles

La quête de la vérité dans un monde stérile



Un roman d’une grande intensité spirituelle

Sous le pseudonyme d’Émie de Rolles, Jacques-Émile Miriel, critique littéraire et cinéphile brestois, féru de culture et présentateur inspiré de séances au cinéma Les Studios à Brest, signe avec Les Inféconds une œuvre d’une belle intensité spirituelle. Habité par la tradition des moralistes et des libertins, Miriel conjugue lucidité et sensualité, ironie et gravité, pour sonder les abîmes d’une époque où la transmission — spirituelle, charnelle, artistique — semble s’être éteinte. Le cinéma, présent dans l’univers du roman, irrigue sa pensée et ses images, mais n’imprime pas sa forme : il agit comme un contrepoint poétique, un miroir du monde.

Entre Paris et la Bretagne : les territoires de l’âme

L’action se déploie entre une grande ville et la Bretagne. Le protagoniste, Pierre, critique littéraire et catholique attaché aux messes tridentines, incarne la figure du dandy moderne, partagé entre foi et désir, entre lucidité critique et quête d’absolu. Pour lui, l’art — littérature, peinture, musique, cinéma — est la plus haute expression du monde, peut-être même son sanctuaire sacré.

Pierre, Jonas et l’Abbé de Frassout : figures de la foi et du doute

Jonas, son cousin, jeune aristocrate catholique désœuvré, est hanté par un passé douloureux — les attouchements subis dans son adolescence par le Révérend Père Soufflot. Accompagné de Pierre, il dialogue longuement avec l’Abbé de Frassout, son confesseur. Ce dernier, attentif et cultivé, apparaît comme une conscience lumineuse, un théologien profond et miséricordieux, dont la parole apaise. Saint Augustin, Pascal et les Évangiles, mais aussi Casanova ou Rousseau, sont des penseurs essentiels pour Pierre, le narrateur. Tandis que la fièvre mystique et la noirceur de Dostoïevski inspirent Jonas.

Cécile et Fanny : visages du désir et de l’amour

Cécile, jeune fille de la bonne société parisienne, incarne quant à elle cet obscur objet du désir partagé entre Pierre et Jonas : elle représente la beauté inaccessible, la pureté qui aimante et déchire. Mais c’est en Fanny, jeune femme moderne et libre rencontrée en Bretagne, que Pierre trouve un écho charnel et vivant à sa quête intérieure. Leurs amours, dans le manoir familial de Jonas, tout près des plages sauvages de l’ouest du Finistère, sont décrites avec une intensité sensuelle.

Le mystère de la société secrète des Inféconds

Au cœur du roman se déploie le mystère de la société secrète des Inféconds, cercle initiatique où Pierre est introduit par le Maître Clovis Ranger. L’initiation de Pierre — scène à la fois libertine et rituelle menée par Maîtresse Babou, prêtresse du rite — évoque une liturgie de la chair, portée par la musique hypnotique d’Alan Vega et inspirée à la fois par l’esthétique littéraire du XVIIIᵉ siècle libertin et Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick. Le romancier y retrouve une tension essentielle : la recherche de Dieu à travers le corps, la tentation d’un salut dans le vertige du plaisir. Pour être définitivement accueilli comme membre du Club des Inféconds, il devra faire une conférence à partir d’une phrase extraite de l’Épître aux Hébreux.

Le cinéma, miroir poétique du réel

Si le cinéma affleure souvent dans le texte — Kubrick (Eyes Wide Shut), Hitchcock (La Main au collet) —, c’est moins pour en reproduire les formes que pour en rappeler la puissance visionnaire : la scène où Jonas évoque la mort de la princesse de Monaco sur la corniche de la Riviera devient ainsi symbole de son propre désir d’engloutissement, comme si la beauté même appelait la chute.

Un dandy postmoderne en quête d’absolu

Les Inféconds est le roman initiatique d’un dandy postmoderne, sans attache, toujours en mouvement, cherchant ailleurs — dans le plaisir, la connaissance ou l’aventure — une forme d’absolu et de vérité illustrés par cette citation de Saint Paul dans l’Épître aux Hébreux : Car nous n’avons point ici-bas de cité permanente, mais nous cherchons celle qui est à venir. Cette novella de tension et d’espérance est une méditation sur la chair et l’âme, la faute et la beauté, la mort et la transmission. Jacques-Émile Miriel y déploie une écriture élégante et précise. Il réfléchit sur la nature humaine, la morale et la fécondité — non seulement au sens biologique, mais aussi intellectuel et spirituel. Dans la stérilité apparente de son époque, il cherche obstinément la germination du sens de la vie, la beauté de l’Art dans ce beau roman, un Autoportrait à la manière du peintre Johannes Gumpp.

Jacques Déniel



Les Inféconds : Novella postmoderne de Émie de Rolles – 2025 – Imprimé par Amazon.



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