Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Samuel Fuller, vision de l'impossible

Samuel Fuller, vision de l'impossible

Jacques Déniel

 

Alors, pour la première fois, nous nous apercevons que notre langue manque de mots pour exprimer cette insulte la démolition d’un homme. En un instant, dans une intuition quasi prophétique, la réalité nous apparaît : nous avons touché le fond. Il est impossible d’aller plus bas il n’existe pas, il n’est pas possible de concevoir condition humaine plus misérable que la nôtre. Plus rien ne nous appartient : ils nous ont pris nos vêtements, nos chaussures, et même nos cheveux ; si nous parlons, ils ne nous écouteront pas, et même s'ils nous écoutaient, ils ne nous comprendraient pas. Ils nous enlèveront jusqu'à notre nom : et si nous voulons le conserver, nous devrons trouver en nous la force nécessaire pour que derrière ce nom, quelque chose de nous, de ce que nous étions, subsiste. Primo Levi 1

 

 

Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale et la découverte des camps révélant la monstruosité diabolique des crimes nazis, le problème de la représentation au cinéma des camps de concentration et d'extermination s'est posé. Comment montrer l'indicible? De nombreux documentaires tournés par l'armée soviétique et polonaise ainsi que par les américains existent. John Ford, George Stevens Ray Kelloge, Samuel Fuller,... ont tourné des images de ces camps lorsqu'ils étaient engagés comme soldats dans l'armée des États-Unis d'Amérique pour lutter contre l'Allemagne nazie. Certains de ces films ont été montrés comme preuves au procès de Nuremberg. En 1956, Alain Resnais réalise un documentaire Nuit et brouillard, qui demeure un film de référence bien que l'extermination des juifs n'y soit pas clairement mentionnée. La sortie en 1985 de Shoah, film somme de Claude Lanzmann, est un événement historique politique et moral, salutaire pour lutter contre l'oubli et dire l'horreur avec précision et dignité. De même, de nombreux films de fiction ont tenté de parler des camps ou de la Shoah, de montrer les crimes commis par les Nazis. Certains mettent les spectateurs face à de vrais problèmes d'éthique cinématographique tels Kapò (Kapo de Gillo Pontecorvo - 1959), Schindler's List (La Liste de Schindler - 1993) de Steven Spielberg, La Vita e bella (La Vie est belle - 1997) de Roberto Begnini ou Saul fia (Le Fils de Saul - 2015) de László Nemes. La presse et de nombreux spectateurs ont émis des critiques souvent justes sur ces œuvres2. Ces films ont fait l'objet de vives polémiques, seul Le Fils de Saul y a échappé 3..

Comment Samuel Fuller, soldat pendant la seconde guerre mondiale a montré et parlé des camps dans ses films, est une question essentielle de son œuvre. Fuller qui a souvent représenté la guerre et la violence de manière sobre, brutale et tranchante dans ses films – en particulier dans The Steel Helmet (J'ai vécu l'enfer de Corée - 1951), Fixed Bayonets (Baïonnette au canon - 1951) sur la guerre de Corée, China Gate (porte de Chine – 1957) sur la guerre d'Indochine ou Merrill's Marauders (Les Maraudeurs attaquent - 1961) se déroulant pendant le seconde guerre mondiale durant la reconquête de la Birmanie – met en scène la représentation d'un camp et la barbarie dans trois de ces films4: Falkenau (1945), Verboten (Ordres secrets aux espions nazis -1959) et The Big Red One (Au-delà de la gloire - 1980). Le cinéaste, par sa participation active comme militaire à la deuxième guerre mondiale, a toute légitimité pour montrer des images. Il a vécu, vu, affronté et filmé pendant la guerre, la folie meurtrière des hommes, l'inimaginable.

Filmer l'Impossible s'impose d'emblée à Samuel Fuller. En 1945, il combat dans la première division américaine d'infanterie, la Big Red One, reconnue pour sa bravoure et célèbre par son insigne, un 1 rouge vif cousu sur la manche de l'uniforme de ses soldats. En 1943, Fuller, alors au front, reçoit des États-Unis une caméra envoyée par sa mère. Il réalise son premier film, un documentaire tourné en 16mm, noir et blanc et muet dans le camp de concentration de Falkenau. Ce premier film, se trouve dans Falkenau vision de l'impossible d'Émil Weiss, un documentaire réalisé en 1988 consacré à Samuel Fuller, à son vécu lors de la découverte du camp. Emil Weiss le fait s'interroger sur la vérité des images, sur la possibilité de représenter l’univers concentrationnaire. Fuller y affirme sa foi dans le cinéma comme moyen de transmettre les faits historiques aux spectateurs, en particulier aux jeunes générations.

Lorsque Emil Weiss lui propose de faire ce film, Samuel Fuller accepte de revoir ses images qu'il n'a jamais utilisées dans aucun de ses propres films. Sur ses réticences à se confronter à ses plans, il explique : « Je ne pouvais pas voir mon film car il est cette nuit en Tchécoslovaquie, la fin de toute cette guerre, c’est l’impossible. Pas l’incroyable, ni l’horrifiant, mais un mot simple, que tout le monde peut comprendre, un seul mot. La chose importante, c’est que l’Impossible nous choquait, mais pas au sens où l’on utilise le mot “choc”. C’est plus fort que de rendre malade ou d’horrifier. C’est hypnotiser. Et le silence parmi nos soldats était très lourd, quatre ou cinq jours durant, on a gardé le silence».

A la fin du film, quand Emil Weiss lui demande s'il est possible de filmer l'horreur des camps dans une fiction, il répond: « Rien n'est impossible avec une caméra mon garçon! Ah, ah! Rien, mais le montrer ça c'est toute la difficulté ». Ces deux citations résument parfaitement la morale de cinéaste de Samuel Fuller, celle qu'il va toujours appliquer à son cinéma. Une morale qu'il s'est forgée en tournant son premier film Falkenau. Ce documentaire, nous fait découvrir la vérité: des hommes, des Nazis ont torturé, laissé mourir de faim et de maladie, exterminé d'autres hommes et femmes internés dans des camps. En particulier, les Juifs5 qu'ils considéraient comme des sous-hommes. Après une brève introduction où il nous explique les conditions du tournage ainsi que celles de la libération du camp, Samuel Fuller nous situe la place des baraquements aujourd'hui disparus à part quelques vestiges des fondations qui demeurent recouverts par les herbes et les ronces. Puis, visionnant Falkenau avec Emil Weiss, il commente en direct les images de ce document saisissant. Il est précis, concis et rigoureux, nous explique l'importance de ces images pour éduquer, enseigner et lutter contre l'oubli. Ce film est l'œuvre d'un amateur mais les tueries sont l'œuvre de professionnels nous dit-il!6 Il nous rappelle les faits, nous parle de l'odeur et de la puanteur des lieux, de la fumée âcre qui s'en dégageait au moment de la libération du camp, revient sur la volonté des notables du village ne pas vouloir voir, de nier l'existence de cette horreur, et précise que certains aujourd'hui continuent de nier l'existence des camps7.

Sous la direction et le commandement de son chef, le capitaine Richmond, il filme et montre comment les notables du bourg de Falkenau qui prétendent ignorer ce qui se passe dans le camp sont obligés de donner une sépulture décente aux victimes de la barbarie nazie. Suivant les ordres du capitaine Richmond, Ils sortent les morts des baraquements, les allongent sur des draps blancs, les habillent et les transportent sur des charrettes à travers la ville pour aller les enterrer au cimetière

dans la dignité. La mise en scène imaginée par le capitaine de Samuel Fuller est implacable. Fuller a déjà une maîtrise de cinéaste. Le film est cadré avec pudeur et distance, aucun plan large ni surplombant. Il tourne une suite de plans courts, montés avec un grand sens de la pédagogie.

Un plan-séquence de quarante quatre secondes montre la proximité du camp de concentration au bourg de Falkenau: un panoramique part du village de Falkenau et se termine sur les corps des morts du camp de concentration situé comme nous pouvons le voir à quelques centaines de mètres. Tous savaient et mentaient! Le cinéma preuve des mensonges et des crimes commis par les Nazis.

Lorsque Samuel Fuller revient sur la guerre 1939/1945 dans ses films, il utilise cette expérience première. Dans Verboten, l'action se situe en Allemagne à la fin de la guerre et juste après la capitulation de l'Allemagne nazie. David Brent, sergent de l'armée américaine, est blessé. Il est recueilli par Helga Schiller, une allemande habitante de la ville. Amoureux de la jeune femme, David Brent, redevenu civil, retourne après l'armistice dans la petite ville d'Helga. Il travaille au Bureau de l'approvisionnement du Gouvernement militaire américain auprès de militaires et de civils allemands chargés de dénazifier l'Allemagne. Ils luttent contre les Loups garous, un groupe de fanatiques auquel adhère Franz, le jeune frère d'Helga, qui continue de prêcher la haine. Dans une séquence exemplaire Helga conduit son frère assister au procès de Nuremberg. Samuel Fuller construit avec une grande science du montage cette séquence par une série de champs, contre-champs. Il utilise face à ses propres images de fiction, des images documentaires du procès ainsi que d'autres issues de films allemands de propagande ou de films tournés par l'armée américaine projetés au procès. Par cette confrontation aux images du réel, il amène le jeune Franz, mais aussi les spectateurs, à prendre conscience de la gravité des crimes commis contre l'humanité par ces dignitaires nazis... Franz, choqué par ces preuves tangibles des crimes contre l'humanité perpétrés par ses compatriotes se remémore les propos tenus par Bruno Eckart, le chef des Loups garous – de courts flash back s'insérèrent entre les plans documentaires et ceux du visage du jeune garçon, ébranlé – propos similaires à ceux tenus par Hitler, Goering, Goebels, Himmler... Helga oblige son frère à faire face aux images8. Le documentaire est venu au secours de la fiction pour montrer des situations impossibles à reconstituer avec des acteurs. Verboten est une œuvre d'une grande force historique, une leçon de morale cinématographique et humaine.

En 1979, Samuel Fuller tourne son plus ample et ambitieux long métrage The Big Red One, sur la deuxième guerre mondiale. Il conte l'histoire de la première division d'infanterie américaine, ses campagnes lors des débarquements alliés: opération Torch en Afrique Française du Nord le 8 novembre 1942, Husky en Sicile le 10 juillet 1943 et Overlord en Normandie le 6 juin 1944. Il suit la Big Red One qui progresse à travers la France, la Belgique, L'Allemagne et la Tchécoslovaquie où ses soldats libèrent et découvrent le camp de concentration de Falkenau. Samuel Fuller avait conçu ce projet dès le retour de la paix. Il pensait écrire un livre où l'absence d'émotion aurait son importance dans la façon de raconter les événements vécus par la division à laquelle il avait appartenu comme soldat. L'idée d'un film est né dès la fin des années cinquante9. Il le réalisera trente ans plus tard. Trente années qui lui permettent d'avoir le recul nécessaire sur ce conflit et surtout de trouver comment filmer la découverte du camp.

Claude Lanzmann pense qu'il est impossible de réaliser un film de fiction sur les camps et la Shoah. Cependant, dans la dernière séquence de The Big Red One, la représentation cinématographique de la découverte du camp de Falkenau est juste et ne met pas les spectateurs en situation de chantage émotionnel. Une suite de plans courts, secs et abrupts nous montre la fureur des combats. Samuel Fuller se place à hauteur d’homme. Nous suivons la progression de la section conduite par le sergent Possum, interprété par Lee Marvin. Un jeune soldat, Zab (Robert Carradine), cigare à la bouche, représente Samuel Fuller.

Les hommes courent, se plaquent au sol, tirent, lancent des grenades mais aussi tombent fauchés par des tirs de mitrailleuse, de fusils ou l'explosion de grenades. Les corps mêlés de soldats américains et allemands jonchent la terre et s'effondrent parfois dans un parterre de fleurs.

Le cinéaste nous explique dans Un travelling est une affaire de morale d'Emil Weiss et Yann Lardeau, les raisons pédagogiques de son choix de montrer à plusieurs reprises ces fleurs dans un camp de la mort. Il y avait des fleurs! Les gardes et chefs du camp pouvaient mener là une vie ordinaire et prendre soin des fleurs!10.

 

Puis, les flammes et la fumée masquent l'action, soudain trois des soldats que nous suivons dans cette campagne se trouvent devant des portes. Brusquement, ils les ouvrent. Le contrechamp est saisissant. Face à eux et à notre regard, apparaissent dans la pénombre, les yeux exorbités de déportés pâles, exsangues. Une suite de champs et contre-champs nous montre sur les visages figés des soldats, la stupeur, l'effarement, et, sur ceux malingres des prisonniers du camp, l'absence, des regards de mort-vivants. Pas de lyrisme, ni de sentimentalité dans ces plans, juste l'effroi de l'indicible11. Les tirs continuent, les américains progressent dans leur prise du camp. Le soldat Griff (Mark Hamill) poursuit un allemand, il arrive au pied d'un bâtiment contre un mur, une fumée noirâtre sort d'une cheminée haute. Il s'approche lentement de la porte entrebâillée du baraquement où s'est réfugié l'ennemi. Il s'arrête figé par la fumée âcre. Prudent, il entre, et nous découvrons avec lui une enfilade de fours aux portes métalliques fumantes. Il tente d'ouvrir l'une d'entre elles. Elle est brûlante. Il se sert de la pointe de son fusil. A ce moment précis, Fuller utilise un contre-champ pris de l'intérieur du four. Griff est sidéré face à ce qu'il voit: des restes de corps humains en train de se consumer. Dans un mélange de folie et de rage froide, le soldat ouvre ensuite un deuxième four dans lequel il trouve le S.S caché . Celui-ci tente de tirer, son arme est enrayée. Alors, Griff tire, tire et tire encore sur l'allemand vidant plusieurs chargeurs de balles. Surpris par les coups de feu répétés, le sergent Possum entre dans le bâtiment et tend un nouveau chargeur à Griff. Il lui tapote doucement le bras et lui dit: « Tu l'as eu, je crois ». Tout la souffrance de ces hommes en guerre face à leur découverte passe par ce geste de solidarité. Aucune émotion, pas de sentimentalité, la guerre et l'horreur sont filmés avec une sécheresse et un ascétisme renforçant leur caractère de folie criminelle. Cette scène est emblématique de ce que Fuller appelle l'Impossible. Griff, hypnotisé ressent une fureur glacée. Sa seule réaction possible est de tirer à plusieurs reprises. Entre les plans de Griff tirant, Samuel Fuller a monté un gros plan de la cheminée des fours crématoires, un très gros plan d'un soldat mort avec en amorce l'épaulette noire de son uniforme S.S. comportant une tête de mort, et, des plans du sergent et de ses trois camarades qui entendent la série de tirs répétés. Fuller nous signifie que l'acte de tuer le soldat allemand est une métaphore de la liquidation de la monstruosité nazie et nous fait comprendre que les camarades de Griff ressentent la même rage de les anéantir.12

 

 

 

 

 

L’une des séquences les plus fortes du film est celle où le sergent Possum, froid, émacié, un professionnel aguerri par la première et la seconde guerre mondiale13, découvre un jeune enfant décharné. Le visage impassible et le jeu subtile de Lee Marvin renforce la sécheresse de la situation14 et donne à la scène une force morale. Derrière le masque du soldat apparaît un regard de compassion. Il donne à boire à l'enfant, le questionne « Juif ?», « Polonais ?», « Tchèque ?», tente de lui faire manger du fromage. Il sort du baraquement, l'enfant le suit. Ils se retrouvent près d'un cours d'eau... l'enfant met sur sa tête le casque du sergent qui le lui retire. Il ne supporte pas cette image d'un enfant casqué. Le gamin est fatigué. Possum le prend sur ses épaules. Il marche, les yeux au loin, sans se résoudre à admettre immédiatement que le corps sur ses épaules s'alourdit. Il continue de marcher portant l'enfant que la mort a emporté. Tous les scènes de cette séquence de la découverte du camp sont précieuses. Elles font assurément de The Big Red One, un grand film politique et historique entre violence physique et grandeur d’âme.

 

Dans son entretien avec Emil Weiss, Samuel Fuller a dit ses difficultés à représenter l'impensable, sans avouer sa propre impuissance. Il est important de dire qu'il n’a pas été confronté à l'épreuve de la solution finale, de l’extermination par les gaz. Le camp de Falkenau est un camp de concentration où les hommes, femmes et enfants meurent à cause de l'épuisement par le travail, sous les coups, de dénutrition et de maladies et sont ensuite brûlés dans les crématoires. Il ne s’agit pas d’une mort de masse organisée dans les chambres à gaz. Jamais Fuller n’a reconstitué, dans un film, l’extermination des juifs. Il n'a pas repris ses images documentaires dans ses films de fiction. À Jean Narboni et Noël Simsolo qui lui demandaient « Comment reconstituer l'horreur des camps dans un film ?», Il a affirmé : « Je ne pourrais pas faire ça. Comment pouvez-vous faire « mieux » que les Allemands ? Même dans The Big Red One, je ne pouvais pas montrer ce que j'avais filmé sur place»15 Ainsi du camp de Falkenau, il ne représente dans The Big Red One que des moments clés de sa confrontation à l’Impossible: ceux de la rencontre avec les regards des survivants, les restes humains dans un four crématoire, et la mort inéluctable d'un enfant juif. Rien d’autre! Ces trois films sont pour le cinéaste un devoir de mémoire et d'éducation: A travers des films sur plusieurs générations, on apprend aux enfants à ne pas haïr, à ne pas être violents. (...). A travers les films, on ne fait pas qu'éduquer, on peut faire avancer l'histoire de l'humanité afin que nul ne puisse mentir sur tout ce que vous venez de voir.16 Son film Falkenau l'empêche d'aller au-delà de ces limites dans la fiction. Son sens de la mise en scène et sa probité ont permis à Samuel Fuller de faire un film ample et sec sur la guerre et sur les forces du Mal mais pas de représenter la Shoah, l'Impossible.

Il a reconstitué des lieux, un camp, des fours crématoires. Il s'est servi de figurants pour jouer les concentrationnaires ou d'un acteur pour l'enfant juif. Il a réussi à éviter le piège du sentimentalisme, même lorsqu'il utilise la musique diégétique (la boîte à musique) et extra-diégétique (une mélodie légère composée par Dana Kaproff) qui accompagne la mort du jeune garçon. De même, la place de la caméra à l'intérieur du four au moment de leur découverte par Griff n'est pas interdite puisque c'est la seule place possible pour signifier l'effroi d'un homme face à l'Impossible. Ces séquences considérées impossibles à filmer par Lanzmann ou Alain Fleischer s'avèrent nécessaires dans The Big Red One. Samuel Fuller a su filmer sans aucune complaisance. Mais aucun film de fiction ne nous fera sortir du noir.

Jacques Déniel (Samuel Fuller, Le choc et la caresse (2018) Collectif dir. Jacques Déniel et Jean-François Rauger Editeur : Yellow Now)

1 Primo Levi Si c'est un homme (1947), traduction de Martine Schruoffeneger, Paris Julliard.

2 Rappelons-nous l'accueil très dur du film Kapo par Jacques Rivette dans son texte De l'abjection Cahiers du cinéma

n° 120, juin 1961, pp. 54-55. De même, les deux autres films avaient reçu un accueil critique sévère.

3 Hormis Jean Philippe Tessé dans Les Cahiers du cinéma (numéro 716 - novembre 2015),  Didier Péron , Clément Ghys et Julien Gester dans Libération (3 novembre 2015), Jacques Déniel dans Causeur.fr (novembre 2015), et l'excellent livre Retour au noir d'Alain Fleischer, consacré au film de László Nemes, une réponse au livre admiratif du film Sortir du noir de Georges Didi-Huberman.

4 Shock Corridor s'il traite de la folie, de la violence, du racisme peut aussi être vu comme une métaphore d'un camp de concentration.

5 Mais aussi des tziganes, des homosexuels, des allemands résistants , des témoins de Jéhovah, des protestants, des catholiques... des asociaux, des handicapés, des criminels de droits communs...

6 Dans Falkenau vision de l'impossible d'Emil Weiss.

7 « Et, il y a encore des gens aujourd'hui qui appellent ça un détail de l'histoire comme Le Pen en France... Certains aux États-Unis disent que personne n'a été torturé, personne n'a été tué, personne n'est mort de faim, personne n'a été gazé ni jeté dans un four mort ou vivant » Samuel Fuller dans Falkenau vision de l'impossible d'Emil Weiss (1988).

8 « Franz , regarde, Franz, il faut que tu vois ça. On va regarder ensemble. C'est quelque chose qu'on devrait tous voir, que le monde entier devrait voir » propos d'Helga à son frère Franz dans Verboten de Samuel Fuller.

9 Entretien avec Samuel Fuller par Bill Krohn et Barbara Frank, Cahiers du cinéma n° 311 mai 1980 et n° 314 juillet/août 1980.

10 « Samantha, ma petite fille a vu le film. Elle ne comprenait strictement rien à ce qu'elle voyait, à tout cet enfer.(...) Les gens qui travaillent dans les camps y vivaient. Les gardes. Ils avaient de petits pots de fleurs devant leur maison.. Je m'étais dit que parce que ma petite fille ne comprenait pas, je tournerai un plan où un des soldats tombe dans les fleurs (...) Elle ne comprenait pas pourquoi ces méchants chez eux avaient de superbes fleurs parce qu'elle adore les fleurs. » dans Un travelling est une affaire de morale d'Emil Weiss et Yann Lardeau, filmé le 14 juillet 1986.

11 « Ce qu’on voyait, c’étaient des visages avec des yeux noirs comme ceux des rats. Des corps qui ne pèsent rien. Des corps, des corps tout autour ; certains entassés,d’autres jetés épars. (…)Les prisonniers n’arrivaient pas à croire qu’ils étaient libres. Ils ne savaient pas ce qui se passait. Ils savaient une chose : leurs gardiens sont morts.» Il était une fois Samuel Fuller, Histoires d'Amérique racontées à Jean Narboni et Noël Simsolo – Éditions Cahiers du cinéma 1986.

12 « Rien n'a autant de puissance que quand un jeune de 18 à 21 ans arrive sur place et voit la chose de ses propres yeux. C'est ça l'image que je voulais. Celle où l'on voit pour la première fois, où il comprend pourquoi il se bat » Samuel Fuller dans Un travelling est une affaire de morale, un film d'Emil Weiss et Yann Lardeau, 14 juillet 1986.

13 Le sergent est un survivant de la première guerre mondiale et il n'est pas mort durant les combats de la Big Red One, comme le dit le colonel sur la plage lors débarquement à Colleville-sur-Mer: « Il y deux sortes d'hommes sur cette plage, ceux qui sont morts et ceux qui vont mourir. Alors, quittons cette maudite plage et avançons vers l'intérieur des terres ».

14« j'ai tout ce que je veux; c'est absolument aucune expression! Si il y avait la moindre expression, on est bon pour les violons »Samuel Fuller dans Un travelling est une affaire de morale, un film d'Emil Weiss et Yann Lardeau, 14 juillet 1986.

15 Il était une fois Samuel Fuller, Histoires d'Amérique racontées à Jean Narboni et Noël Simsolo – Éditions Cahiers du cinéma 1986.

16 Entretien avec Samuel Fuller dans Falkenau vision de l'impossible d'Emil Weiss.

Les commentaires sont fermés.