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  • Alan Wilson, l'âme de Canned Heat un roman de Gilles Cornec

    Alan Wilson, l'âme de Canned Heat un roman de Gilles Cornec

     

    Un roman solaire sur un chouette chanteur de blues lunaire

     

    Au mois de mai 2022, les Éditions, Le Mot et le reste ont publié Alan Wilson, l'âme de Canned Heat un roman biographique de Gilles Cornec sur un chouette chanteur de blues lunaire.

    Auteur de deux essais pertinents, l'Affaire Claudel (1993), Gilles ou le Spectateur français (1999), et d'un récit passionnant, mêlant son amour profond pour le cyclisme et le Tour de France à des souffrances humaines personnelles, Le Miroir du Tour (2003), Gilles Cornec nous conte avec ce nouvel ouvrage l'histoire d'Alan Wilson et de Canned Heat, un groupe de rock célèbre, de la fin des sixties et du début des seventies, au même titre que les Doors, Jefferson Airplane, Grateful Dead ou Quicksilver Messenger Service. Mais ce qui caractérise vraiment ce groupe considéré à juste titre comme l'un des meilleurs du monde par l'auteur Philippe Paringaux, le plus grand critique et écrivain de rock français, ce sont les racines de sa musique le blues du Delta et le boogie.

     

    Le Delta blues, l'un des tous premiers styles de musique blues tient son nom de la région en forme de delta située au nord-ouest de l'État du Mississippi entre le fleuve Mississippi et la rivière Yazoo et les villes de Vicksburg et Memphis, et s'étendant sur 300 kilomètres (1). La guitare le plus souvent jouée avec l'aide d'un bottleneck et l'harmonica sont les instruments les plus utilisés, tandis que les voix peuvent être à la fois très mélancoliques et fiévreuses.

    Récit passionné et documenté de la vie d'Alan Wilson et du groupe Canned Heat, ce livre nous plonge dans la langueur et la fièvre, la joie et les délires, l'incandescence et le goût amer de la cendre dans la bouche de cette époque hippie où la musique, la frénésie sexuelle, la paix, l'amour de la nature mais aussi les ravages des drogues et de l'alcool ont fait vibrer toute une génération de jeunes Américains et Européens.

    Nous suivons les pérégrinations d'Alan Wilson (Blind Owl) - guitariste, harmoniciste et chanteur du groupe, qui possédait un sens et une ferveur innés pour le blues – et de ses compères: Bob Hite (The Bear) leur deuxième et fameux chanteur, immense plantigrade dansant, Henry Vestine (The Sunflower), l'excellent lead guitariste survitaminé et illuminé, Larry Taylor (The Mole), le plus grand bassiste du rock et Adolfo (Fito) de la Parra, le batteur aux rythmes secs et endiablés.

    Mais le récit se focalise surtout sur la chouette aveugle, le lunaire Alan Wilson, cofondateur (avec Bob Hite) et véritable âme du groupe, amoureux fou de la nature, des oiseaux, des nuages, des arbres – il vénère les gigantesques séquoias –, passionné et connaisseur pointilleux du blues noir américain du delta (Sun House, Skip James, Robert Johnson, John Lee Hoocker, Mississippi John Hurt, Muddy Waters...) mais aussi amateur de musique atonale et contemporaine, lecteur fervent de Walden où la vie dans les bois de Henry-David Thoreau, de Les Rêveries du promeneur solitaire de Rousseau, de Jean de La Fontaine – savoureux passage où Wilson lit la fable, L'Ours et l'Amateur des jardins -, capable de donner des explications pointues sur les plantes, la météo, la forme des nuages, les arbres ou de tenir des discours tactiques sur le football américain dont il se fiche éperdument. Il est le compositeur des deux plus grands succès du groupe: On The Road Again et Going Up The Country, hymnes de l'ère hippie connus de tous les amateurs de rock. On y croise les bluesmen Sun House, Skip James et John Lee Hooker, John Fahey, l'excentrique guitariste classique et de folk contemporain, Patricia Krenwinkel, Susan Atkins et Charles Manson les assassins de Sharon Tate et de ses amis, les flower people joyeux et délurés se rendant à Woodstock...

    Ce récit, assurément est une œuvre littéraire puissante écrite dans une superbe langue française riche et intelligente, structurée par une mise en scène formelle très inventive, cadencée par les mesures du blues et les riffs du rock. Jamais, un roman français n'avait aussi bien décrit la force de la musique blues rock, la beauté, la douceur mais aussi la folie, la joie et la tristesse de ces années d'amour et de paix. Un parfum d'humus des forêts, les chansons mélancoliques du blues du delta, les tensions électriques du blues psychédélique, un vent d'amours et de folles libertés et un spleen d'espérances vives mais déçues nous accompagnent pendant la lecture de ce juste et enthousiasmant ouvrage. Lisez cette belle déclaration d'amour à Alan Wilson, laissez vous porter par ce roman solaire, le plaisir de conter de l'auteur, c'est du grand art!

     

    Jacques Déniel

     

    Alan Wilson, l'âme de Canned Heat un roman de Gilles Cornec

    Éditions Le Mot et le reste 19 mai 2022

    (1) Le terme « delta » induit souvent une confusion avec la région du delta du fleuve Mississippi en Louisiane. Cette région plate et fertile de population à forte majorité noire est dominée par la culture du coton. Elle est le véritable berceau du blues. C'est en effet là qu'est né le blues. La plupart des pionniers du blues y sont nés.

  • La Grâce de Thibault de Montaigu

    La Grâce de Thibault de Montaigu

     

    Le Vent souffle où il veut

     

    Écrivain mondain et dandy, plus enclin aux plaisirs de la nuit qu'à réciter des psaumes ou prier, Thibault de Montaigu, jeune hussard brillant, auteur des romans Les Anges brulent, Un jeune homme triste, Zanzibar, Voyage autour de mon sexe, possédant un véritable talent et style littéraire et un certain sens de l'outrance, de la provocation diraient les bonnes âmes, ne semblait jusqu'à la publication de ce nouveau roman La Grâce, récompensé par le Prix de Flore 2020, ni posséder le sens du sacré ni celui de la Révélation Divine.

    Vivant avec son épouse et ses enfants à Buenos-Aires, entré dans une phase de dépression, il décide sur les conseils de Margarita, la psychothérapeute qu'il consulte, de s'attaquer à l'écriture d'un nouveau livre sur un sujet qui l'obsède, la disparition de Xavier Dupont de Ligonnès meurtrier diabolique de toute sa famille. Il décide pour cela de suivre les traces du criminel, de son possible passage voir de sa présence dans un monastère, celui de l'abbaye Sainte-Madeleine du Barroux dans le Vaucluse.

    Seul, perdu, complétement étranger à la présence de Dieu en ce lieu, il écrit, noirci des feuilles comme il dit, lorsque la cloche annonçant les complies, dernière office du soir, sonne, une seule fois. Il sort et se rend dans la chapelle et tout à coup sans prévenir, au milieu des prières et psaumes, la grâce surgit lumineuse.

    A ceux qui penseraient qu'il s'agit d'un artifice ou d'une mystification, d'un beau sujet de livre insincère, j'affirme sans hésitation que La Grâce est un roman d'une vérité abrupte, à l'écriture limpide et cristalline, crue parfois mais toujours pleine d'attention et de douceur même dans les moments où pudeur et impudeur se côtoient.

    Thibault de Montaigu nous conduit avec son récit passionnant comme une enquête policière, fort comme un roman mystique, sur un chemin de foi, déconcertant, austère, ardu et lumineux. La grâce de l'auteur passe par sa conversion dans ce monastère mais bien plus par la force de son enquête sur l'itinéraire de vie et le tortueux et beau chemin parcouru par son oncle, Christian, pour devenir un moine franciscain.

    La Grâce est roman magnifique et fascinant par le double miracle de la foi qu'il révèle, celle de l'auteur et de son son oncle Christian qui soudainement au même âge à 37 ans sont touchés par la grâce de notre Seigneur Jésus Christ, par son immense amour pour nous pauvres frères humains. Imprégné par la charité que le poverollo Saint François d'Assise enseignait avec simplicité et par l'amour glorieux de Sainte Marie-Madeleine pour le Christ, ce récit d'une conversion réelle, matière littéraire, comme chez Saint Augustin, Huysmans, Bourget, Claudel..., nous parle de l’Incarnation dont Péguy dit dans Le Mystère de la charité de Jeanne d’Arc, que c'est (La plus grande histoire du monde./ La plus grande histoire de jamais./ La seule grande histoire de jamais) nous donne à entendre et comprendre la force spirituelle d’un parcours religieux – malgré le doute et les souffrances - entièrement tourné vers l’Espérance et l'Amour profond du Christ pour les pauvres ères. Le vent souffle où il veut.

    Le vent souffle où il veut et tu entends sa voix, mais tu ne sais pas d'où il vient ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l'Esprit. (Évangile selon Saint-Jean 3-8)

    Jacques Déniel

     

    La Grâce de Thibault de Montaigu

    Roman - Éditions Plon – paru le 27 août 2020 – Prix de Flore 2020

    « J’ai essayé d’approcher au plus près ce miracle qui fait surgir la lumière au plus profond de la noirceur. »

  • Sundown un film de Michel Franco.

    Sundown un film de Michel Franco.

     

    Le lent crépuscule d'un homme pris d’une apathie radicale.

     

    Le cinéaste mexicain de 47 ans est l'auteur de huit longs métrages dont Memory sortie sur les écrans prévue en 2023. Peu de monde se souvient des beaux films Después de Lucia (2012), Prix Un certain regard au festival de Cannes 2012 ou de Les Filles d’Avril (2017), prix spécial du jury Un certain regard. Ces films dérangeants mettaient le spectateur mal à l'aise par le mélange des sensations de séduction et de répulsion qu'ils pouvaient dégager.

    Ce nouveau film présenté au festival de Venise en 2021 juste après que son précédent Nouvel ordre décrié par certains médias ait reçu le grand Prix du Jury à Venise en 2020 (jamais sorti en France pour des raisons liées à la pandémie ou/et idéologiques assez peu compréhensibles).

    Sundown a lui aussi été étrillé dans les Cahiers du cinéma et quelques autres médias pour des raisons fort peu objectives, troubles et très rarement d'ordre artistique.

    Michel Franco nous conte une histoire tragique: celle de quatre membres d'une famille Londonienne très riche, jouissant de leurs vacances de luxe dans un palace doré d'Acapulco. Alice Bennett, ses deux enfants et son frère Neil passent leur journée au soleil, dans l'eau à siroter des bières et des cocktails à la téquila. Alice reçoit un coup de téléphone qui les contraint de rentrer à la maison, dès lors, Neil, célibataire, décide de faire croire à sa sœur et à son neveu et sa nièce qu’il a oublié son passeport à l'hôtel. Il reste seul au Mexique, ne donnant plus aucune nouvelle. Il s'abandonne à une farniente léthargique dans ce paradis pour riches oisif au milieux de la pauvreté. Luxe, calme et volupté côtoient misère, crasse et crimes. Sous un soleil de plomb, la violence va sourdre.

    Thriller sec, abrasif, indolent et nerveux, solaire et noir, Sundown est un grand film dépressif servi par la mise en scène rigoureuse et ascétique de ce passionnant cinéaste Mexicain et par l'immense talent de ses acteurs, Charlotte Gainsbourg, une nouvelle fois remarquable, qui interprète Alice Bennett, richissime femme un peu perdue mais très rude en affaire et surtout l'excellent Tim Roth, personnage principal de cette fiction. Il joue le rôle du frère Neil Bennett, un homme failli en pleine crise de dissolution physique et morale.

    Michel Franco nous montre par ce nouveau tableau clinique, le malaise moral de notre monde, le violent désordre social qui touche la société mexicaine et le désordre moral qui touche les élites et les miséreux. Il s'attache à décrire avec une réelle froideur, où point une douce compassion, les failles de la psychopathologie individuelle d'un homme défait.

    Si le film peut déranger par son ton froid mâtiné de romanesque pervers, il y gagne une force de mise en scène qui laisse advenir les désastres du Mal. Comme un ami, cher de cinéma, Jacques-Émile, je n'ai cessé de penser durant la vision de ce film au fascinant roman attractif et répulsif d’Albert Camus, L’Étranger, l'un des plus beaux de la littérature mondiale selon moi qui a passionné et continue de le faire de nombreux écrivains, cinéastes, artistes.... J'ai y senti une influence diffuse mais réelle sur cette fiction où comme dans le roman les rayons aveuglants et maléfiques du soleil dardent Neil, indolent et indifférent aux malheurs et cruautés du monde qui l'entoure.

    Métaphore du film, la première image de Sundown est un gros plan sur des rougets, dans un marché d'Acapulco au Mexique. Le soleil éclatant, frappe des rougets en train d'agoniser sur le ponton d'un bateau. La fiction drue et puissante de Michel Franco va montrer le lent crépuscule de Neil, cet homme pris d’une apathie radicale.

    Neil comme Meursault n'a rien à se reprocher, comme lui peut-être n'a-t'il plus aucune envie, aucun désir réel? « J’ai dit que oui, écrit Camus dans L’Étranger, mais que dans le fond cela m’était égal. Il m’a demandé alors si je n’étais pas intéressé par un changement de vie. J’ai répondu qu’on ne changeait jamais de vie, qu’en tout cas toutes se valaient et que la mienne ici ne me déplaisait pas du tout. » La vie de l'anti-héros moderne de Michel Franco n'est plus qu'un lent, violent aussi, mais inexorable désastre crépusculaire. Assurément, Sundown est l'un des plus beaux films de l'année.

    Jacques Déniel

     

    Sundown un film de Michel Franco

    Mexique, France, Suède – 2021 – 1h23 – V.O.S.T.F. - Drame, Thriller

    Interprétation: Tim Roth, Charlotte Gainsbourg, Iazua Larios Henry Goodman, Albertine Kottin...

    Sortie en France 27 juillet 2022