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  • Jugé coupable (True Crime - 1999) de Clint Eastwood

    Jugé coupable (True Crime - 1999) de Clint Eastwood
     
    La nuit de l’innocence
    Entêté, amateur de boissons fortes, aimant les jeunes et jolies femmes, Steve Everett (Eastwood), grand reporter, qui se fie à son inné de l'intuition, aime écrire sur des sujets polémiques. Après avoir été licencier du « New York Time », Il travaille au quotidien « l’Oakland Tribune » sur le côte ouest. Un soir, il traine dans un bar draguant et buvant avec Michelle une très jeune journaliste. Cette dernière se tue accidentellement en rentrant en voiture chez elle. Le lendemain, il est chargé de reprendre l'enquête de sa jeune collègue qui était chargée de couvrir l’exécution d’un criminel noir, Frank Beechum (Isaiah Washington), condamné pour le meurtre d’une caissière. Très vite, Everett à de sérieux doutes sur la culpabilité de Beechum, qui doit être exécutè à minuit.
     
    Adapté d’un roman écrit par Andrew Klavan en 1995. Eastwood signe une fiction remarquable: un mélodrame poignant sur un homme qui se bat pour convaincre le monde entier de son innocence, un thriller tendu et nerveux, un grand film politique contre la peine de mort et une œuvre capitale sur la force de la Rédemption. En interprétant le rôle du reporter Everett - proches des personnages qu'il joue dans Honky Tonk Man, Bronco Billy, La Mule, Sur la Route de Madison) Clint Eastwood, séduisant, charmeur, hâbleur, fougueux, parfois cynique, contrastant en apparence avec ses interprétations de personnages de justicier sombre et implacable dans Impitoyable, Gran Torino, Josey Wales, hors la loi... . Clint Eastwood alliant au gré des ses films face lumineuse et face tragique signe une œuvre humaniste qui poursuit celle de John Ford.
     
    Il est des films qui avancent sans bruit, presque modestement, et qui, une fois terminés, continuent d’irradier comme un feu lent. Jugé coupable appartient à cette catégorie rare, celle des œuvres qui, sous l’apparence d’un thriller judiciaire, travaillent en profondeur les grands motifs du cinéma américain : la faute, la justice, la mémoire morale d’un pays qui ne cesse d’hésiter entre la fureur et la bonté. Eastwood, cinéaste de l’intime et du tragique, retrouve ici une veine discrète mais essentielle de son cinéma, tant elle s’attache à sonder l’homme en lutte contre lui-même.
     
    Jugé coupable représente un formidable réquisitoire contre la peine de mort, comme Tu ne tueras point de Kieslowski. À sa sortie, Jugé coupable n’a pas trouvé son public. Sans doute trop classique pour les amateurs d’action, trop sombre et trop intime pour le grand public. Mal aimé et mal compris par la critique intellectuelle et bien pesante ce beau film gagne une force inattendue.Eastwood nous conte l'histoire d'une double rédemption celle d’un homme Everett qui a tout raté sauf une chose ; son instinct pour ce qui est juste et celle d'un faux coupable, un père de famille noir évangéliste aimant qui a eu la malchance d'être présent sur le lieux du drame et qui en raison d'une jeunesse de voyou est le coupable idéale face à une justice monolithique.
     
    Le long-métrage possède une dimension tragique poignante. Dans un monde où les procédures s’accélèrent, où l’erreur judiciaire n’est jamais totalement écartée, la fragilité d’Everett, son acharnement, sa peur de ne pas y arriver donnent au film un poids émotionnel immense. La souffrance de Franck Beechum, de sa femme et de sa petite fille sont un véritable mélodrame. La fin du film qui déroule au moment des fêtes de Noël qui célèbre la naissance de Jésus Christ notre sauveur donne une force particulière à cette histoire de rédemption
     
    Film mal compris, film trop discret pour l'époque de sa sortie, Jugé coupable s’impose aujourd’hui comme l’une des pierres angulaires du grand chantier moral du cinéaste. Une œuvre sobre, grave, tendue, mais profondément humaine. Une œuvre qui nous rappelle que l’instinct du juste — fût-il porté par un homme imparfait — demeure parfois la seule chose qui nous empêche de basculer dans la nuit.
     
    Jacques Déniel
     
    Jugé coupable (True Crime) de Clint Eastwood
    États-Unis - 1999 - 2h06 - VOSTF 
    Interprétation: Clint Eastwood, James Woods, Denis Leary, Isaiah Washington, Diane Venora, Bernard Hill, Frances Fisher, ...

  • Mystic River de Clint Eastwood

    Mystic River de Clint Eastwood
     
    une tragédie moderne
    Avec Mystic River (2003), Clint Eastwood réalise l’un de ses films les plus sombres, les plus profonds, et sans doute l’un de ceux qui expriment le mieux sa vision tragique de l’existence. Adapté du roman de Dennis Lehane, le film explore les cicatrices invisibles laissées par l’enfance, la violence enfouie dans les marges de la société américaine et la difficulté, parfois l’impossibilité, de trouver la rédemption.
     
    Un drame ancré dans la mémoire
    Dès sa scène d’ouverture, Mystic River expose la blessure originelle autour de laquelle gravitent les personnages. Trois enfants, Jimmy, Sean et Dave, inséparables, voient leur destin basculer lorsqu’un faux policier entraîne Dave de force dans une voiture. Cette rupture brutale de l’innocence marque à jamais le trio. Eastwood filme l’événement non pas comme un simple traumatisme, mais comme une faille temporelle qui perturbera toute leur vie d’adultes.
     
    Une enquête qui déchire une communauté
    Vingt-cinq ans plus tard, les trois anciens amis se retrouvent lorsque la fille de Jimmy est sauvagement assassinée. Sean, devenu policier, est chargé de l’enquête, tandis que Dave, hanté par son passé, devient rapidement suspect aux yeux de tous. Eastwood met en scène cette enquête comme un piège moral où les certitudes se fissurent et où chaque personnage porte en lui des zones d’ombre. L’atmosphère est dense, presque suffocante. Le quartier de Boston, filmé avec une retenue mélancolique, devient un personnage à part entière : un lieu où les blessures ne cicatrisent jamais vraiment.
     
    Des interprétations bouleversantes
    Sean Penn, Tim Robbins et Kevin Bacon offrent des performances parmi les plus intenses de leur carrière. Penn incarne un père brisé, oscillant entre douleur et rage. Robbins, dans un rôle d’homme broyé par son passé, livre une interprétation d’une fragilité déchirante, qui lui vaudra l’Oscar du meilleur acteur dans un second rôle. Bacon, plus en retrait, apporte une note de calme désespéré, comme s’il tentait en vain d’agir encore rationnellement dans un monde qui ne l’est plus.
     
    La mise en scène d’Eastwood : sobriété et puissance
    Clint Eastwood opte pour une réalisation épurée, presque invisible, laissant la force tragique de l’histoire s’imposer d’elle-même. Pas d’effets inutiles, pas de surenchère : simplement la vérité des situations, la noirceur du destin et le poids implacable des choix humains. La musique, qu’il compose lui-même, ajoute une note discrète mais essentielle de tristesse et de fatalité.
     
    Une tragédie morale
    Au-delà du polar, Mystic River est avant tout une réflexion sur la culpabilité, la vengeance et les erreurs qui façonnent une existence. À mesure que la vérité se dévoile, Eastwood montre comment la douleur conduit à des décisions irréversibles, et comment les victimes peuvent devenir bourreaux malgré elles. Le film touche ainsi à une dimension presque antique de la tragédie, où le destin semble toujours plus fort que les individus.
     
    Un film majeur
    Profond, bouleversant et d’une maîtrise rare, Mystic River demeure l’une des œuvres les plus abouties de Clint Eastwood. Par son intensité émotionnelle, sa finesse psychologique et sa mise en scène d’une sobriété exemplaire, le film s’impose comme une méditation puissante sur la mémoire, la perte et la part d’ombre qui habite chaque être humain.
     
    Jacques Déniel
    Mystic River de Clint Eastwood
    États-Unis – 2003 - 2h17
    Interprétation : Sean Penn (Jimmy Markum), Tim Robbins (Dave Boyle), Kevin Bacon (Sean Devine), Laura Linney (Annabeth Markum), Laurence Fishburne (Sgt. Whitey Powers), Marcia Gay Harden (Celeste Boyle), Emmy Rossum (Katie Markum) ou encore Kevin Chapman (Val Savage). Jason Kelly (Jimmy Markum), Andrew Mackin (John O’Shea), Tom Guiry (Brendan Harris), Ari Graynor (Eve Pigeon), Spencer Treat Clark (Raymond « Ray » Harris Jr.) et Adam Nelson (Nick Savage)...

  • Le Rideau déchiré d’Alfred Hitchcock

    Le Rideau déchiré (Torn Curtain) d’Alfred Hitchcock
     
    Les ombres de la Guerre froide
    Dans Le Rideau déchiré, Alfred Hitchcock s’aventure au cœur des ténèbres géopolitiques de la Guerre froide. Le film, souvent jugé mineur à sa sortie, révèle pourtant un artisan à la recherche d’une nouvelle forme de dépouillement : une manière de scruter les visages, les gestes et les silences comme autant de failles dans un monde coupé en deux. Entre atmosphère clinique, tension diffuse et ironie politique, cette œuvre crépusculaire dévoile un maître du suspense plus inquiet, plus sévère, mais toujours fascinant.
     
    Un couple happé par le secret
    Lors d’un congrès à Copenhague, Michael Armstrong (Paul Newman), savant atomiste réputé, annonce brusquement son départ pour Stockholm. Mais Sarah Sherman (Julie Andrews), sa fiancée et assistante dévouée, découvre qu'il s’est en réalité envolé pour Berlin-Est. Intriguée, blessée, obstinée, elle le suit. C’est alors qu’elle comprend : Armstrong n’est peut-être pas l’homme qu’elle croyait, ou plutôt, il en est un autre — dissimulé derrière un voile de faux-semblants. Car le savant joue un double jeu dangereux, au bord du gouffre diplomatique.
     
    Une équipe renouvelée, une mise en scène dépouillée
    Pour Torn Curtain, Hitchcock troque une partie de ses collaborateurs habituels contre une équipe nouvelle, s’entoure de deux stars hollywoodiennes qu’il ne parviendra jamais vraiment à apprivoiser, et adopte une esthétique plus sèche, presque ascétique. Pourtant, de ce dépouillement naît une tension inédite : une rigueur qui donne au film l’allure d’un mécanisme secret, grinçant, presque déshumanisé. À travers Newman et Andrews, figures lumineuses plongées dans un univers de soupçon, Hitchcock interroge l’opacité des êtres autant que celle des nations.
     
    L’Allemagne de l’Est : un labyrinthe de gris
    L’Allemagne de l’Est filmée par Hitchcock est un territoire de pierre et de brume. Couloirs interminables, trains métalliques, murs qui semblent absorber le son : rien ne respire, tout surveille. La célèbre scène du musée, où Gromek (Wolfgang Kieling) suit Armstrong comme une ombre d’État, condense cette vision glaçante. L’espace devient toile abstraite, quasi picturale, où chaque pas résonne comme un avertissement. La musique de John Addison, nerveuse et menaçante, achève de plonger le spectateur dans cet univers où le temps lui-même paraît sous écoute.
     
    Espionnage, aventure et satire d’un monde verrouillé
    Si le film épouse les codes du récit d’espionnage, il se pare aussi des accents d’un roman d’aventure — on pense parfois à Tintin traversant l’Union Soviétique. Mais Hitchcock glisse sous le vernis du divertissement une critique fine et acérée du régime communiste, dont il expose la mécanique de contrôle et d’enfermement. La scène du meurtre de Gromek, invraisemblablement longue et laborieuse, est une leçon de cinéma : brutale, presque burlesque, elle rappelle que tuer, dans la réalité, est un acte pesant, sordide, dénué de toute élégance dramatique. « Il était temps, disait Hitchcock, de montrer combien il est difficile de prendre une vie. »
     
    Hitchcock, cinéaste engagé
    Tourné en pleine Guerre froide, Le Rideau déchiré rejoint la lignée d’œuvres où Hitchcock affronte les totalitarismes : de Secret Agent (Quatre de l’espionnage - 1936) au très anti-munichois Lady Vanishes (Une Femme disparaît - 1938). Comme le rappelait Claude Chabrol, Foreign Correspondent (Correspondant 17 - 1940 ) fut détesté par Goebbels, qui y voyait une menace directe. Ici encore, l’enfer est « rouge », couleur fétiche d’une idéologie communiste criminelle qui se referme sur ceux qui tentent de la traverser.
     
    Une œuvre sobre, inquiète et magistrale
    Méprisé lors de sa sortie, le cinquantième film d’Hitchcock mérite aujourd’hui d’être réhabilité. C’est une œuvre mûre, tendue, où l’on devine le maître à la recherche d’une nouvelle respiration : moins baroque, plus intérieure, mais toujours éblouissante de maîtrise. Un film politique sans emphase, un film d’espionnage sans fioriture, un film d’aventures sans naïveté — et pourtant, derrière cette austérité, une beauté plastique rare, presque hypnotique. Le Rideau déchiré apparaît désormais comme l’un des jalons essentiels de la période tardive d’Hitchcock : une méditation inquiète sur la duplicité, la peur et le prix de la liberté.
     
    Jacques Déniel
     
    Le Rideau déchiré d’Alfred Hitchcock
    États-Unis – 1966 – 2h08 - VOSTF
    Interprétation :Paul Newman, Julie Andrews, Lila Kedrova, Hansjörg Felmy, Tamara Toumanova, Wolfgang Kieling...