Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

La Ciociara un film de Vittorio De Sica

La Ciociara un film de Vittorio De Sica (1960)

 

Un mélodrame tendu et âpre

Italie, 1943/1944. Cesira, jeune veuve qui élève seule Rosetta sa fille de quatorze ans, décide, après un violent bombardement, de quitter Rome pour rejoindre son village natal de Santa-Eufemia dans le Bas-Latium. Adapté du roman éponyme d'Alberto Moravia, le film de Vittorio De Sica est le récit du destin dur et misérable d'Italiens modestes des classes populaires. Le cinéaste s'attache à montrer la vie des réfugiés ayant fui les grandes villes pilonnées par les bombes - au moment du débarquement allié - pour se rendre à la campagne afin d'y retrouver un peu de calme et une sécurité relative.

 

De Sica, avec beaucoup de sens de l'observation et humour, dresse un portrait attachant de ces paysans et petits artisans, quelque peu ignorants, qui hésitent à soutenir le Duce et les Allemands ou les forces Alliés en marche pour libérer le pays du joug des forces de l'Axe. Ils désirent plus que tout la paix, peu en importe le prix.

 

Cesira interprétée par Sophia Loren est une sorte de mère courage, forte et vindicative, prête à tous les sacrifices pour préserver sa fille Rosetta (Eleonora Brown) des horreurs de la guerre. Sophia Loren est malicieuse, drôle et tragique. Face à elle, Michele ( joué par Jean-Paul Belmondo sobre et excellent comme chez Jean-Pierre Melville, Jean-Luc Godard ou Philippe De Broca) est un enseignant et intellectuel, lucide et humaniste ayant pensé devenir prêtre. Il est très conscient de l'abominable mascarade du fascisme et des enjeux de classes.

 

Les fascistes purs et durs sont présents représentés par deux miliciens butés et méchants. Le film décrit le quotidien d'une petite communauté paysanne où les éclats de rires provoqués par Sophia Loren et ses répliques percutantes écrites par le scénariste Cesare Zavattini résonnent, réjouissant chacun. Seul Michele essaye de faire prendre conscience de la situation à ses compatriotes apeurés par ses conseils et lectures à voix haute.

 

Puis lentement, le film va se transformer, passant de la chronique paysanne en temps de guerre à une tragédie contemporaine sombre et cruelle. Le danger semble pourtant s'éloigner lorsque les Alliés arrivent. Mais le destin tragique des personnages est inscrit depuis le début. Michele, repéré pour ses idées, est tué par les Allemands, Cesira et sa fille Rosetta sont violemment agressées et violées dans une église en ruine par des soldats issus des colonies françaises, les fameux "Indigènes". De Sica filme la réalité sur les exactions commises en 1944 par des hommes du général Alphonse Juin constitués de soldats originaires de ces colonies (1) et (2). Nous sommes très loin de la bienveillance et de l'angélisme d’Indigènes de Rachid Bouchareb. Le Mal est présent partout, peu importe les visages, la couleur de peau ou la nation de ceux qui le servent. Il frappe dur dans un lieu consacré à Dieu.

 

La Ciociara est un film âpre, un mélodrame tendu, magnifié par le noir et blanc tranché signé par le chef-opérateur, Gábor Pogány qui permettra à Sophia Loren d'obtenir le Prix d'interprétation féminine au Festival de Cannes 1961 et l'Oscar de la meilleure actrice en 1962 à Hollywood.

 

Jacques Déniel

 

La Ciociara - Italie/France - 1960 - 1h57 - V.O.S.T.F.
Un film de Vittorio De Sica
interprétation : Sophia Loren, Jean-Paul Belmondo, Eleanora Brown, Carlo Ninchi, Andrea Checchi, Pupella Maggio, Ema Baron, Luciano Pigozzi, Raf Vallone
Photographie : Gábor Pogány
Scénario : Cesare Zavattini
D'après le roman d'Alberto Moravia

Musique : Armando Trovajoli

 

Sur ARTE.TV du 12/06/2023 au 18/06/2023

 

(1) Cette libération s’accompagna d’un comportement particulièrement agressif et violent envers les populations locales. Dès les premiers temps de leur progression victorieuse, les soldats du contingent français se rendirent coupables de « graves […] violences et […] abus […] dans toutes les régions où ils sont passés», [Archivio dell’Ufficio Storico dello Stato

Maggiore dell’Esercito (AUSSME)]

 

(2) « Quiconque se trouve sur leur route est attaqué à main armée […]. Ils s’emparent de tout […], et si dans le groupe se trouvent des femmes, elles sont déshabillées avec violence en cas de résistance. Si, par exemple, ils s’engouffrent dans quelques fermes encore habitées, ils s’adonnent à un vrai saccage ; à la suite de quoi, les armes à la main, ils chassent les hommes des maisons et violent les femmes sans aucun respect ni pour les jeunes ni pour les personnes âgées. […] [Archivio Storico del Ministero degli Affari Esteri (ASMAE)]

Les commentaires sont fermés.