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Passion un film de Brian De Palma

Passion de Brian De Palma
 
De la cruauté abyssale des femmes de pouvoir.
 
Autant le dire tout de suite Passion  est le plus beau film de ce début d'année, un chef d’œuvre passé inaperçu et boudé par le public, un grand film de pure mise en scène, du cinéma de haute volée et aussi un très grand film politique, produit par le producteur courageux et intelligent de Roman Polanski, Said Ben Said .
 
Christine, une belle jeune femme blonde, élégante, puissante et fascinante dirige la filiale d’une grosse agence américaine de publicité à Berlin. Isabelle, une splendide brune directrice de clientèle lui est apparemment totalement soumise. Dani, une jolie rousse, chef de publicité est l’assistante d’Isabelle et la désire furieusement. Les jeux de pouvoir et de domination s’installent entre les trois femmes. Rivalités, jalousies, perversités, désirs sexuels sont les moteurs d’un fantastique et vertigineux film sur la puissance et la manipulation.
 
A partir de Crime d'amour, l'ultime film très moyen d'Alain Corneau, Brian De Palma construit un film prodigieux. Passion est un polar intense et tendu, une relecture obsessionnelle et jouissive de l'univers d'Alfred Hitchcock, un grand film baroque et politique. Un chef d'œuvre de mise en scène servie par trois actrices formidables : Rachel McAdams, la blonde, Noomi Rapace, la brune et une jeune comédienne allemande Karoline Herfurth, la rousse.
 
Le lieu de l'action est une grande entreprise contemporaine, une agence mondiale de publicité, à l'univers glacé, acier, verre et béton. Les héroïnes du film sont de très jeunes femmes, des exécutives women, belles, froides et ambitieuses. Elles s'avèrent vite être des louves lascives, dangereuses, sans pitié et sans foi, ni loi. Inexorablement, à partir d’une campagne de publicité pour un nouveau modèle de téléphone portatif, la tension, la rivalité et le désir montent au sein de l'entreprise. Christine patronne impitoyable s’approprie sans vergogne l’idée de cette campagne de publicité très sensuelle, imaginé et filmée par Isabelle et Dani. Christine dirige et manipule avec un plaisir sadique tous les employés de son agence, les femmes comme les hommes, c’est une gagnante, une dominatrice.
 
Les hommes, à part le Président Directeur Général de l’entreprise dont le siège est à New-York sont montrés comme des marionnettes faibles, des pantins économiques et sexuels dominées par le pouvoir féminin. Les scènes sexuelles nous les montrent comme des êtres humiliés, totalement soumis au désir de Christine mais aussi d’Isabelle.
 
L’insignifiant Dirk, dont la société travaille pour l’agence de Christine est le parfait représentant de la masculinité disparu, c’est un être faible, plutôt laid, comme tous les autres hommes du film, collaborateurs et amants de Christine, humiliés, persécutés. Partenaire fade de la jeune comédienne dans la représentation L’Après-midi d’un faune, Commissaire et inspecteur de police sans envergure menés en bateau par Isabelle, les hommes sont en faillite.
 
Les mâles n’existent plus nous dit De Palma, ils sont faibles, lâches, veules, moches, et, finalement, nos trois demoiselles peuvent s’en passer. Elles sont belles, intelligentes, puissantes, et, immanquablement le désir sexuel circule entre elles. Sans doute par provocation et par jeu de domination entre Isabelle et Christine, et, véritablement de la part de Dani, qui éprouve une passion sexuelle violente pour Isabelle.
 
De Palma nous offre avec Passion une réflexion pertinente sur le déploiement des images dans notre monde, avec une rare maestria, il travaille la mise en abime des images sur Skype, de conférences filmées, de films postés sur YouTube, de scènes humiliantes enregistrées par la vidéo-surveillance ou les Smartphones. Le voyeurisme grand sujet du cinéaste est ici démultiplié de manière vertigineuse. Obsédé par les figures hitchcockiennes des pulsions sexuelles et morbides, il nous offre un suspens terrible qui culmine au moment du meurtre par l’utilisation somptueuse d’un dispositif de split screen entre la scène du crime et une représentation du ballet de Debussy L’Après-midi d’un faune auquel assiste Isabelle. Le jeu de cache renforce la beauté fatale du désir de mort.
 
Splendide film noir, envoutant et cruel et qui souvent nous fait frémir d’effroi, Passion s'affirme aussi comme une œuvre politique majeur, une critique sans concession de l'univers impitoyable des grandes entreprises et des rôles à la cruauté abyssale qu'y jouent de jeunes femmes qui n’ont rien à envier à la légendaire méchanceté des mâles.(1). Brian De Palma est certainement le premier et rare cinéaste à s’attaquer frontalement aux ravages du féminisme dans notre société moderne, à ses conséquences néfastes sur l’amour et le désir, remplacés par la volonté de domination et de puissance phallique féminine. Le film au travers d’un polar haletant, d’une grande beauté formelle nous montre le triomphe des femmes de pouvoir et la négation des rapports humains au nom de l’égalité des sexes et du dieu argent.
 
Jacques Déniel
 
Passion
Un film de Brian De Palma
Allemagne/France – 2012 – 1H41 – V.O.S.T.F.
Interprétation: Rachel McAdams, Noomi Rapace, Karoline Herfurth, Paul Anderson...
 
(1) Notre Ministre de la culture sera sans doute satisfaite de voir que des femmes dominent dans ce film, elle qui nous a expliqué qu’il faudrait calculer le nombre « de femmes assassinées chaque semaine à la télévision dans les scenarii » qui donne, selon elle « des représentations parfois inquiétantes ».

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